Intérêt de la démarche et bonnes pratiques au service d’une comptabilité et d’une gestion publique rigoureuses
Rendue obligatoire par le Code de Commerce depuis de nombreuses années pour les personnes morales de droit privé, la mise en place d’un contrôle interne de qualité est devenu un objectif prioritaire pour la plupart des collectivités territoriales, d’abord de taille significative, puis progressivement et depuis une dizaine d’années, au sein de collectivités plus modestes.
Bien entendu, des pistes d’amélioration majeures sont soulignées par les instances de contrôle de la sphère publique : constats récurrents de la Cour des comptes et des chambres concernant les établissements publics et réserves relativement fréquentes formulées sur ces sujets par les commissaires aux comptes des entités de droit public (hôpitaux, universités, sécurité sociale, établissements publics nationaux). Ces constats et réserves, quoiqu’en diminution par rapport à 2015, font référence à des procédures insuffisantes ne permettant pas de garantir une traduction fidèle dans les comptes de certains postes.
Problématiques des collectivités territoriales autour du contrôle interne
Les problématiques soulevées, la plupart du temps d’ordre systémique, peuvent ainsi concerner le recensement de certaines opérations de trésorerie entre l’état et les collectivités territoriales, le suivi des engagements hors bilan, le recensement et/ou la valorisation des actifs immobiliers de certains ministères, la comptabilisation des actifs liés à des opérations public/privé, la prise en compte des passifs sociaux ou encore, le suivi et la valorisation des participations financières de l’Etat.
Au-delà de la fiabilisation classique des états financiers par application de procédures rigoureuses, un contrôle interne de qualité doit permettre aux collectivités, sans surprise, à l’instar du secteur privé, de prévenir les risques d’erreurs, le non-respect des réglementations, les fraudes, autrement dit de sécuriser, mais aussi de contribuer à optimiser la qualité de la gestion de l’entité de droit public, nécessité impérieuse dans le contexte actuel et durable de la raréfaction des fonds publics. Si les acteurs s’accordent depuis de nombreuses années, sur la définition et sur les objectifs du contrôle interne en secteur public, les élus commencent seulement à prendre conscience de l’intérêt politique de la démarche. L’application des procédures de qualité (transparentes, pertinentes et partagées) ne peut, bien entendu, que contribuer à asseoir la confiance des administrés. A l’inverse, les collectivités dont les élus et la direction générale ne seraient
pas sensibles et convaincus de la démarche, s’exposent à des risques politiques sans forcément du reste, en être toujours pleinement conscients.
Les exemples, parfois des “cas d’école“, ne manquent pas. Que pourraient ainsi penser les administrés face à une collectivité qui
n’a pas défini des règles claires et connues régissant l’attribution des aides de nature sociale (critères, délai, modalités, décision…) ou qui n’a pas précisé, tant en interne qu’en externe, les niveaux de délégation entre les élus et les services ? Même constat pour les collectivités qui ne disposent pas, au sein des écoles et cantines scolaires, d’un suivi fiable du respect des réglementations relatives aux
normes d’hygiène et de sécurité des biens et des personnes…
De fortes disparités sont relevées entre collectivités quant à l’organisation de la fonction “contrôle interne“, ainsi qu’à la profondeur et la priorisation des diligences mises en place. S’il ne peut en effet exister en la matière d’organisation idéale et unique, cette organisation doit reposer avant tout sur une logique de bon sens et non l’application d’un modèle théorique dont certains écueils et mauvaises pratiques doivent être évités lors de son déploiement.
Des objectifs difficilement atteints
Si les tendances observées au travers notamment des travaux et publications de l’Institut Français de l’Audit et du Contrôle Interne et
des instances de contrôle, traduisent une amélioration de la qualité des procédures déployées par les collectivités quant aux différents suivis financiers (comptables, budgétaire, commercial, contrôle de gestion), les objectifs de sécurisation et d’optimisation de la gestion sont quant à eux, rarement considérés comme atteints, au regard des procédures en place. Les travaux relèvent dans ce cadre, une culture du contrôle interne encore trop timorée dans nombre de collectivités (identité culturelle, réceptivité des élus…), sur l’optimisation de la gestion publique grâce à l’application de procédures de qualité.
Certaines raisons peuvent être avancées pour expliquer ces constats et contribuer à redynamiser la démarche au sein des collectivités, à un moment où les plus grosses d’entre elles commencent à anticiper l’intervention obligatoire, à moyen terme, des commissaires aux comptes.
A des fins d’illustration, l’exemple des procédures de contrôle et de gestion du patrimoine communal, dimension pourtant significative
et historique de la gestion des collectivités et souvent jugées comme à parfaire et/ou à mettre en place (rapports réguliers des chambres régionales des comptes en ce sens), permet de cerner les sources de “blocage“ dans la démarche opérationnelle à laquelle les parties ne peuvent pourtant qu’adhérer (élus, direction générale, agents,
organismes de contrôle) :
• tout d’abord, elles concernent différents services de la collectivité (services techniques et urbanisme, services financiers, services fonctionnels en lien avec la destination des sites…) nécessitant des procédures transverses et une forte imbrication des diligences et intervenants ;
• par ailleurs, le recensement initial et la mise à jour des données de gestion à collecter 1 induit des diligences structurées, pour ne pas dire rigides, et dans les faits, orchestrées par un responsable ayant défini un véritable plan d’actions prévoyant des
seuils quant à la définition et réalisation des travaux.
L’ampleur de la tâche est accrue par le contexte actuel de raréfaction des ressources humaines et financières disponibles, tandis que les dernières années continuent d’être marquées par une prolifération des réglementations (mesures liées à l’accueil du public, accessibilité par exemple) et une remise en cause, souvent contrainte et à tous les niveaux, de la gestion des collectivités et des politiques publiques.
Si la professionnalisation des procédures de contrôle interne, au sein des collectivités, constitue toujours, pour différentes raisons, une priorité et une réelle opportunité pour la profession comptable, elle demande désormais la mobilisation de ressources et de compétences accrues dans la mesure où les thématiques résiduelles à traiter induisent technicité, persuasion et imbrication des acteurs et une remise en cause de tout ou partie des systèmes d’information.
Article rédigé par Jean-Christophe Carrel, Expert-comptable et commissaire aux comptes, Associé chez Acticonseil
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